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Extrait du Rapport Annuel 2001

L'année a été marquée par un durcissement de la répression. Des dizaines de condamnations à de lourdes peines d'emprisonnement ont été prononcées, parfois pour délit d'opinion. Des mesures énergiques ont été prises contre les minorités ethniques et les dissidents religieux ou politiques. Comme les années précédentes, le gouvernement s'est opposé à la venue d'observateurs indépendants des droits humains et a dénoncé toute critique venant de l'extérieur comme une ingérence inadmissible. Au moins 55 personnes ont été condamnées à mort et au moins 10 exécutées. Il est cependant probable que ces chiffres ne reflètent que très partiellement la réalité.

Contexte
Des troubles ont éclaté en février dans les deux provinces montagneuses de Dac Lac et de Gia Lai, au centre du pays. Des membres de minorités ethniques ont protesté contre l'installation de colons vietnamiens sur leurs terres et contre les restrictions qui pesaient sur leurs libertés, notamment en ce qui concerne la liberté de culte et le droit de bénéficier d'un enseignement dans sa langue maternelle. Ce mouvement de protestation a rapidement été étouffé et des centaines d'habitants de la région se sont réfugiés de l'autre côté de la frontière, au Cambodge. Lors du Congrès quinquennal du Parti communiste (au pouvoir), qui s'est tenu au mois d'avril, Nong Duc Manh a remplacé Le Kha Phieu au poste de secrétaire général. Dans un climat marqué par les rivalités politiques internes et les dissensions publiques, de nouvelles restrictions ont été imposées aux libertés fondamentales et quiconque osait les dénoncer s'est vu vivement critiqué. Malgré certains avantages commerciaux attribués au Viêt-Nam par les États-Unis, les relations entre les deux pays étaient tendues en raison d'un projet de loi en cours d'examen au Congrès américain ; ce texte conditionnait l'aide et les échanges à des avancées dans le domaine du respect des droits humains.

Troubles dans les régions montagneuses du centre
Au mois de février, des manifestations ont rassemblé des milliers de personnes appartenant à des minorités ethniques dans les deux provinces montagneuses de Dac Lac et de Gia Lai, au centre du pays. Les manifestants entendaient notamment exprimer leur colère devant la confiscation par les autorités de leurs forêts ancestrales et l'arrivée de colons vietnamiens originaires des plaines et accaparant leurs terres agricoles. Ils voulaient également protester contre l'impossibilité dans laquelle se trouvaient nombre d'entre eux, membres de congrégations protestantes évangéliques non autorisées, de pratiquer leur culte, ainsi que contre le déni de certains droits fondamentaux (en particulier le droit de bénéficier d'un enseignement dans sa langue maternelle). Certains manifestants ont à cette occasion appelé à l'indépendance de la région. Celle-ci a rapidement été interdite d'accès par les pouvoirs publics qui en ont défendu la visite aux journalistes et diplomates souhaitant se rendre compte de la situation sur place. Les autorités vietnamiennes ont accusé certains groupes d'opposition basés aux États-Unis d'avoir fomenté les troubles. Des dizaines de personnes auraient été arrêtées et, au cours des semaines qui ont suivi, plusieurs centaines d'habitants de la région se sont réfugiés au Cambodge voisin (voir Cambodge). Les autorités ont demandé au gouvernement cambodgien de renvoyer ces personnes ; plus d'une centaine d'entre elles ont ainsi été renvoyées de force au ViêtNam. Un homme au moins a été arrêté et frappé par la police vietnamienne. Selon des informations qui n'ont pas pu être confirmées, d'autres personnes auraient été torturées. Un accord conclu entre les gouvernements cambodgien et vietnamien et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), visant à organiser le retour volontaire des réfugiés, n'a pas abouti : au mois de juillet, les autorités vietnamiennes ont refusé de permettre au HCR de venir dans la région pour veiller à la sécurité des candidats au retour.
Le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné en août les sixième, septième, huitième et neuvième rapports périodiques du Viêt-Nam. Il a demandé un complément d'informations concernant les modalités permettant aux minorités ethniques du pays d'exercer leur liberté de religion et divers autres droits fondamentaux. Il a en outre recommandé l'adoption de lois plus spécifiquement consacrées à la lutte contre la discrimination.
üEn septembre et en octobre, 20 personnes ont été traduites en justice dans trois procès distincts, pour leur participation présumée aux troubles du mois de février. Ces procès, auxquels aucun journaliste étranger et aucun observateur international n'a pu assister, n'ont duré que deux jours. Les procès qui se déroulent au Viêt-Nam sont généralement inéquitables, les accusés n'ayant pas le droit de faire citer ou interroger des témoins et leurs avocats ayant tout juste la possibilité de plaider la clémence en leur faveur. Inculpés d'organisation d'activités illégales et d'incitation au trouble et à la déstabilisation de l'ordre social local, les 20 prévenus de ces trois procès ont été condamnés à des peines allant de trois ans d'emprisonnement avec sursis à douze ans de prison ferme. Tous étaient susceptibles d'être considérés comme des prisonniers d'opinion. À l'issue de ces procès, des dizaines de personnes se sont à nouveau réfugiées au Cambodge.

Poursuite des atteintes à la liberté de religion
Les membres de congrégations religieuses dissidentes, comme l'Église Hoa Hao, l'Église bouddhique unifiée du Viêt-Nam (EBUV), l'Église catholique ou différentes congrégations protestantes, ont fait l'objet d'actes de harcèlement et de mesures de détention en raison de leurs activités religieuses, pourtant pacifiques.
Au mois de mai, le père Thadeus Nguyen Van Ly, prêtre catholique du diocèse de Hué, a été arrêté dans son église, alors qu'il s'apprêtait à y célébrer la messe. Thadeus Nguyen Van Ly, qui a toujours fait état de son désaccord avec la politique du gouvernement en matière religieuse, avait déjà été détenu sans jugement pendant un an, entre 1977 et 1978, avant de passer dix ans en prison, de 1983 à 1992. La presse officielle a annoncé au mois d'octobre qu'il avait été condamné à quinze années d'emprisonnement pour " atteinte à la politique d'unité nationale " et " non-respect d'une décision administrative d'assignation à résidence ". Thadeus Nguyen Van Ly a été adopté par Amnesty International comme prisonnier d'opinion.
Harcèlement d'adversaires du gouvernement
Les pouvoirs publics ont continué de soumettre à des brimades les personnes exprimant des opinions politiques non conformes à la ligne officielle. Ha Si Phu et Mai Thai Linh, deux dissidents connus, ont ainsi été placés en résidence surveillée en février. Thich Quang Linh, membre influent de l'EBUV, a fait l'objet d'une mesure analogue en juin. La presse officielle s'est en outre livrée à des commentaires très critiques concernant les personnes ayant des opinions dissidentes. Une nouvelle réglementation relative à l'interdiction de séjour et à la résidence surveillée a été rendue publique au mois d'août. Elle prévoyait des mesures strictes applicables, à leur sortie de prison, aux personnes reconnues coupables de certaines infractions, et notamment d'" atteinte à la sûreté nationale ". Une nouvelle réglementation, limitant l'usage d'Internet, a également été adoptée.
Procès
Au mois de mai, 37 personnes ont été condamnées à des peines allant jusqu'à vingt ans d'emprisonnement pour actes de " terrorisme contre l'État ". Toutes avaient été reconnues coupables d'avoir comploté en vue de commettre des " actes terroristes ". Toutefois, les éléments cités dans les comptes rendus n'indiquaient pas clairement que tous les accusés avaient eu recours à la violence ou en avaient prôné l'usage. Certains d'entre eux ont été condamnés pour avoir introduit dans le pays des tracts contenant des déclarations anticommunistes ou pour avoir eu en leur possession des drapeaux de l'ancien Viêt-Nam du Sud. Aucun observateur spécialiste des droits humains n'a pu assister à ce procès ni à aucun autre.

Peine de mort
Comme les années précédentes, le gouvernement n'a pas publié de chiffres complets concernant la peine capitale. Cinquante-cinq condamnations à mort et 10 exécutions ont été enregistrées cette année, mais ces chiffres sont probablement très loin de la réalité. Les condamnés ont été fusillés par un peloton d'exécution, dans certains cas devant un public nombreux.

Interdiction d'accès au territoire
Amnesty International n'a obtenu aucune réponse directe des autorités vietnamiennes concernant la situation en matière de droits humains. Un porte-parole du gouvernement a cependant accusé l'organisation, à plusieurs reprises et publiquement, " d'ingérence dans les affaires intérieures " du Viêt-Nam. Toute activité interne de surveillance de la situation en matière de droits humains était interdite et les autorités ont continué à refuser que des observateurs internationaux indépendants se rendent sur place.

Traités ratifiés ou signés en 2001
Protocole facultatif se rapportant aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés.

Autres documents d'Amnesty International
Socialist Republic of Viet Nam: Religious intolerance - Recent arrests of Buddhists [République socialiste du Viêt-Nam. Intolérance religieuse : arrestations récentes de bouddhistes] (ASA 41/001/01).
République socialiste du Viêt-Nam. Le père Thadeus Nguyen Van Ly, prisonnier d'opinion (ASA 41/005/01).

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